- Cela fait deux ans qu’Elon Musk a fait part de son intention d’acheter Twitter. À l’époque, il affirmait vouloir transformer la plateforme en une super application, similaire à WeChat.
– - Suivant son acquisition, Twitter est passé par des transformations majeures, notamment un changement de marque pour devenir X, des licenciements, une refonte de la direction et plusieurs autres changements controversés. Ces changements ont amené des annonceurs majeurs à mettre leurs campagnes en suspend ou à se retirer complètement de la plateforme.
– - La nomination par Musk de Linda Yaccarino au poste de PDG témoigne des efforts déployés pour regagner la confiance des annonceurs, même si les prévisions de perte de revenus restent préoccupantes.
– - X a ajouté de nouvelles fonctionnalités qui permettent aux annonceurs de choisir des créateurs de contenu spécifiques pour leurs publicités. Ces mises à jour permettront à la plateforme de mieux répondre aux besoins des utilisateurs alors qu’elle s’efforce de devenir la super application ultime.
– - Cependant, X fait face à des défis importants sur le marché américain, notamment des obstacles règlementaires, des préoccupations concernant la vie privée des utilisateurs, la concurrence des géants de la tech bien établis, et les restrictions dans certains pays obligeant les utilisateurs à utiliser un VPN pour accéder à la plateforme.
– - Malgré ces difficultés, le potentiel de X en tant que super application pourrait remodeler le paysage des réseaux sociaux s’il surmonte les obstacles réglementaires et offre des alternatives convaincantes aux utilisateurs et aux annonceurs. Alors à quoi ressemblerait une super application X ?
Deux ans se sont écoulés depuis l’offre audacieuse d’Elon Musk, le 14 avril, de racheter Twitter pour 43 milliards de dollars, une décision qui a suscité un tourbillon de débats et de spéculations. Musk avait un grand projet : transformer la plateforme, rebaptisée X, en une super application.
L’objectif était ambitieux : transformer X d’une plateforme de médias sociaux en un outil complet d’interaction sociale, de transactions financières et d’achats, en visant le type de multifonctionnalité que l’on retrouve dans des applications comme WeChat. Les critiques se sont interrogés sur la capacité de ce projet ambitieux à réussir.
Le parcours de X sous la direction de Musk a été tout sauf ennuyeux. La plateforme a été une plaque tournante du changement, suscitant à la fois des admirations et des critiques. Les licenciements, les frais d’abonnement, l’augmentation de la limite de caractères et la refonte totale de l’image de marque ont donné l’image d’une entreprise en quête incessante de transformation. Puis, dans un geste qui a autant surpris que son achat, Musk a quitté son poste de PDG pour devenir président exécutif et directeur technique en mai 2023, dans le but de se concentrer sur l’orientation stratégique et les innovations technologiques de X.
À l’occasion du deuxième anniversaire de l’arrivée de Musk à la tête de X, nous examinons dans quelle mesure sa vision de la plateforme s’est concrétisée. Au milieu de tous les changements et débats, où en est X dans son objectif de devenir une super application ?
Changements des Tweets : Chronologie de la transformation de X
Avant d’aller plus loin, voici un récapitulatif rapide des évènements clés et des principaux changements survenus chez X depuis l’acquisition par Musk. Cette chronologie met en évidence les annonces publiques et les changements majeurs.
Qu’est-ce qu’une super appli ?
Les super applications sont l’outil multi-tâche par excellence dans le monde numérique, regroupant une gamme variée de services en une seule plateforme. Contrairement aux applis standards qui ne servent qu’à un seul objectif, les super applis sont une véritable puissance, offrant tout, allant de la messagerie et au réseautage social en passant par les paiements, les achats en ligne et bien plus, le tout en un seul endroit.
Les géants de la tech basés en Asie sont à l’avant-garde du concept de super application. Prenons l’exemple de WeChat en Chine, qui est passé d’une simple appli de messagerie à un outil essentiel de la vie quotidienne, permettant aux utilisateurs de gérer leurs finances, de faire des achats en ligne, et même de prendre des rendez-vous médicaux. Et, ce n’est pas la seule.
En Asie du Sud-Est, le singapourien Grab a débuté en tant que service de covoiturage et s’est depuis étendu pour inclure la livraison de repas, le traitement des paiements et les services financiers, ce qui en fait un outil essentiel pour beaucoup de personnes. En Indonésie, Gojek offre des services de covoiturage en plus de services à domicile comme les massages et les manucures. Tata Neu en Inde offre une expérience de shopping fluide en ligne, où vous pouvez tout acheter, allant des provisions aux médicaments et des billets d’avions en juste quelques étapes.
« Pour ceux QUI ONT UTILISÉ WeChat, JE PENSE QUE C’EST UN BON MODÈLE. SI VOUS ÊTES EN CHINE, VOUS VIVEZ EN QUELQUE SORTE SUR WeChat. IL FAIT TOUT. » – Elon Musk
La vision de Musk pour que X devienne une super application s’inspire fortement des modèles établis par WeChat. Il imagine X comme une plateforme sur laquelle les utilisateurs s’engagent dans des interactions sociales et accèdent à un large choix d’activités comme les achats et les transactions financières, le tout dans une seule appli. L’objectif est d’offrir une expérience fluide et intégrée, positionneant X comme le nœud central de la vie numérique des utilisateurs.
Statut de super appli : où en est X maintenant ?
En avril 2024, X est à la croisée des chemins dans son voyage ambitieux visant à transformer une plateforme de réseau social en une super appli. Pour avoir une idée du chemin qui lui reste à parcourir pour atteindre ses objectifs, nous l’avons comparé aux super applis existantes mentionnées plus haut.
Voici comment X se situe par rapport à ces géants :
X | Grab | Gojek | Tata Neu | ||
Service original | Réseau social | Messagerie | Covoiturage | Covoiturage et livraisons | Achat de biens et de services |
Pays de base | États-Unis | Chine | Singapour | Indonésie | Inde |
Messagerie | Tchat texte, et appels vocaux et vidéo. | Tchat individuel et de groupe, appels vidéo, messages vocaux, et messages éphémères. | Textes, messages vocaux, et appels vidéo. | Messages texte avec d’autres utilisateurs Gojek | Aucun |
Portail de paiement | Paiement peer-to-peer actuellement en développement. | WeChat Pay. | GrabPay. | GoPay. | Intégration avec des fournisseurs de paiement existants. |
Publicités | Publicités standard (affichages, tweets sponsorisés, annonces vidéo, et publicités vidéo pré-roll). | Différentes formes de publicités ciblées (publicités dans le flux, mini-programmes, bannières, marketing d’influence). | Publicités ciblées et promotions des partenaires. | Bannières publicitaires, promotions dans le flux, et promotions des partenaires. | Promotions dans l’appli, et promotions d’autres marques de Tata. |
Fonctionnalité e-commerce | Aucun | Recherche extensive, achat, et livraison de produits dans l’appli. | Livraison de repas, courses, services courrier. | Livraison de repas, courses, et autres. | Achats en ligne incluant les produits de mode, de technologie, d’appareils électroménagers, et les courses. |
Services additionnels | Rien en dehors de la plateforme sociale | Covoiturage, paiements de facture et réservations. | Assurance, investissements, covoiturage. | Micro crédits, voyage et loisir, covoiturage. | Services financiers, réservation de voyage et d’hôtel, services de divertissement et lifestyle. |
Frais d’abonnement | Version premium disponible. | Aucun | Version premium disponible. | Aucun | Aucun |
Programme de fidélité | Aucun | Oui | Oui | Oui | Oui |
Services basés sur la localisation | La localisation affecte le contenu affiché. | Services et recommandations localisés. | Services et recommandations localisés. | Services et recommandations localisés. | Services et recommandations localisés. |
Plateforme API ouverte | Non disponible | Plateforme ouverte pour les développeurs. | Accès API extensive pour les développeurs. | Plateforme API pour les entreprises. | Plateforme API pour les entreprises. |
À l’heure actuelle, vous pouvez considérer X davantage comme une plateforme de médias sociaux dotée de nombreuses fonctionnalités que comme une super application. Elle s’aventure dans de nouveaux territoires en introduisant les paiements peer-to-peer et les chatbots d’IA dans la version bêta. Pourtant, lorsqu’on la compare à des géants comme WeChat et Grab, il devient évident que X manque des ingrédients essentiels d’une super application : un système de paiement intégré, une suite complète de services et une plateforme API ouverte et conviviale pour les développeurs.
Ce sont des solutions faciles à mettre en œuvre, n’est-ce pas ? Peut-être, si X n’avait pas d’autres obstacles à surmonter.
Les difficultés de X à faire croître sa base d’utilisateurs
Le parcours de X vers le statut de super application, en particulier sur un marché américain concurrentiel saturé par des géants tels que Facebook, YouTube, Instagram et Snapchat, présente un défi notable marqué par son classement actuel en tant que cinquième plateforme de médias sociaux la plus populaire. La difficulté principale de X est liée à sa base d’utilisateurs en perte de vitesse, un aspect important qui doit être pris en compte si X veut atteindre ses objectifs ambitieux.
À la suite de l’acquisition par Musk, X a fait face à un exode notable de ses utilisateurs, un grand nombre d’entre eux cherchant des alternatives sur des plateformes comme Threads et Mastodon. Ce changement suggère une vulnérabilité potentielle dans l’emprise de X sur son public, ce qui laisse entrevoir la nécessité d’une refonte de la stratégie pour retenir les utilisateurs. Cependant, malgré ces migrations initiales, l’attrait d’un nouveau départ sur d’autres plateformes s’est estompé, et le vent a semblé tourner pour X.
En mars 2024, Musk a dressé un tableau de la résurgence, affirmant que X comptait 550 millions d’utilisateurs actifs mensuels et enregistrait des ajouts quotidiens de 1,7 million de personnes (ce qui équivaut à environ 51 millions de personnes qui s’inscrivent chaque mois). Ce récit suggère une reprise et une expansion florissante, prévoyant une augmentation annuelle qui pourrait considérablement renforcer la base d’utilisateurs de X.
Mais ce n’est pas tout. Dans une série de tweets récents, X a également mis l’accent sur une amélioration de l’engagement des utilisateurs. Ils ont affirmé :
- En moyenne, les utilisateurs de X passent 30 minutes par jour sur la plateforme.
- X prévoit plus de 8 milliards de minutes actives quotidiennes pour les utilisateurs en moyenne en 2024.
- Les utilisateurs de X s’engagent avec les marques plus que jamais, avec 63 % de likes en plus, 20 % de republications en plus, 14 % de vues en plus et 6 % d’impressions en plus en moyenne.
- En moyenne, il y a plus de huit milliards de vues de vidéos par jour en 2024.
Cependant, ce tableau rose n’offre pas une vision complète. Citant une étude indépendante, NBC News a rapporté que le nombre d’utilisateurs actifs de X aux États-Unis a rapidement diminué depuis novembre 2022. Le nombre d’utilisateurs actifs quotidiens de la plateforme aux États-Unis a chuté de 18 % au cours de l’année écoulée, soit une baisse plus importante que celle observée chez tous ses concurrents. Même si l’engagement des utilisateurs et les nouveaux utilisateurs augmentent, la base d’utilisateurs globale est toujours en déclin. Cela signifie que les utilisateurs existants ne restent pas, surtout aux États-Unis.
Les préoccupations relatives à la vie privée de X
Il convient également de noter que les super applications existantes que nous avons mentionnées sont situées dans des pays moins respectueux de la vie privée, ce qui pourrait leur permettre de développer plus rapidement leurs nombreux services. En comparaison, les utilisateurs aux États-Unis (et en Europe) exigeraient un niveau élevé de protection de la vie privée.
X a déjà connu sa part de controverses liées à la protection de la vie privée. Le mois dernier, elle a été au centre d’un nouveau scandale avec l’introduction de fonctions d’appel audio et vidéo gratuites. Cette amélioration, bien que potentiellement attrayante, a été gâchée par sa mise en œuvre : les fonctionnalités ont été activées automatiquement pour les utilisateurs, ce qui a entraîné un partage involontaire de données sans consentement. Cet oubli pose un sérieux problème de protection de la vie privée, d’autant plus que la fonctionnalité est actuellement limitée à l’utilisation mobile, les appels de bureau via les navigateurs Internet n’étant pas encore pris en charge.
Le fait que X s’appuie sur un réseau peer-to-peer pour ces appels complique encore les choses en matière de protection de la vie privée. Cette configuration de réseau, bien qu’efficace, expose par inadvertance les adresses IP des utilisateurs, ce qui constitue un risque important pour la vie privée. Les utilisateurs soucieux de leur vie privée devront recourir à des VPN sur leurs appareils iOS ou Android, ou à un a VPN pour Chrome et d’autres navigateurs, afin de masquer leurs véritables adresses IP. Cette solution de contournement, bien que faisable, impose une étape supplémentaire aux utilisateurs pour protéger leur vie privée, ce qui risque d’éroder la confiance en X.
Alors que l’application s’efforce d’étendre sa gamme de services, tout faux pas en matière de notification des utilisateurs et de protection des données pourrait lui aliéner sa base d’utilisateurs. Ceci est particulièrement pertinent pour une plateforme aspirant au statut de super application, qui nécessite intrinsèquement l’accès à un large éventail de données utilisateur pour fonctionner.
Pour regagner et conserver la confiance des utilisateurs, X doit donner la priorité à la transparence et au consentement des utilisateurs, en particulier lors du déploiement de nouvelles fonctionnalités ou de changements qui affectent la confidentialité des données. La vigilance croissante des utilisateurs et leur exigence en matière de respect de la vie privée pourraient les conduire à abandonner l’application au profit d’alternatives plus sûres, ce qui constituerait un obstacle de taille aux ambitions de X.
Compenser la perte de revenus
Les annonceurs sont le moteur de la plupart des plateformes de médias sociaux. Après l’acquisition de Musk, X a été confronté à des difficultés techniques et a vu proliférer des contenus haineux et offensants sur sa plateforme. Les faux comptes se sont également révélés problématiques. Par exemple, un mois après que Musk a pris possession de la plateforme, un compte prétendant être celui de la société pharmaceutique Eli Lilly a publié un tweet indiquant qu’elle fournirait des injections d’insuline gratuites à ses clients. Cela a provoqué le chaos pour la marque. À la suite de la controverse, le titan pharmaceutique a interrompu toutes ses campagnes publicitaires sur X, ce qui a coûté à la plateforme des millions de dollars en recettes publicitaires perdues.
Bien que X ait essayé de résoudre les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentaient, c’en était trop pour des annonceurs prolifiques comme Apple et Disney, qui ont également retiré leur publicité. Des entreprises comme IBM, Comcast (NBC Universal) – les cinquième et huitième plus gros annonceurs de X – Coca-Cola, Sony et Paramount ont suivi le mouvement. Media Matters, un groupe de surveillance des médias, a révélé qu’en 2022, 50 des 100 principaux annonceurs de X, représentant un chiffre d’affaires d’environ 750 millions USD, avaient réduit leurs dépenses publicitaires ou s’étaient complètement retirés. Cette année-là, les recettes publicitaires mensuelles de X aux États-Unis ont diminué d’au moins 55 %, selon les rapports de Reuters.
Dans un geste considéré par beaucoup comme une réponse aux difficultés publicitaires, Musk a quitté son poste de PDG de X en mai 2023. Peu après, Linda Yaccarino, ancienne présidente de la publicité mondiale et des partenariats chez NBCUniversal, a pris la relève.
X a ensuite introduit quatre niveaux d’abonnement pour diversifier ses revenus en octobre 2023 – d’un plan gratuit à un plan Premium+ qui commence à 16 USD par mois. Ces abonnements offraient aux utilisateurs la possibilité de payer davantage pour une expérience sans publicité. Cette initiative visait à générer des revenus au-delà de la publicité.
Toutefois, elle s’est retournée contre les utilisateurs, qui se sont encore plus désintéressés d’elle. Nombre d’entre eux ont rechigné à payer pour des fonctionnalités qu’ils estimaient devant être gratuites, et le mur de paiement a entravé la croissance nécessaire pour créer une base d’utilisateurs massive digne d’une super application.
À l’heure actuelle, X est toujours en train de reconquérir les annonceurs. La société a annoncé en février 2024 qu’elle mettrait en place une fonction permettant aux annonceurs de diffuser leurs publicités aux côtés de certains créateurs de contenu, ce qui leur donnerait plus de contrôle. Reste à savoir si cela permettra de regagner la confiance des annonceurs.
Jusqu’à présent, Netflix, qui avait cessé de faire de la publicité sur X en 2023, est revenu sur la plateforme. Toutefois, X devra continuer à attirer des annonceurs plus importants pour réaliser des bénéfices et pourrait revoir la manière dont elle fait payer les utilisateurs pour certaines fonctionnalités.
Une super appli pourrait-elle fonctionner aux États-Unis ?
Il est indéniable que les super applications sont pratiques. Elles vous permettent de commander un taxi, de commander des commissions et de payer vos factures sur une seule et même plateforme. C’est une configuration qui fonctionne bien en Asie, une région axée sur la technologie. Toutefois, si X parvenait à relever ses défis les plus pressants, le marché américain serait-il ouvert à l’idée d’une super-application X ?
1. Manque d’un besoin spécifique
Les super applis comme WeChat, Grab, Gojek et Tata Neu n’ont pas atteint leur statut dominant du jour au lendemain. Elles ont commencé en résolvant des besoins spécifiques et essentiels des clients dans leurs régions.
WeChat, par exemple, a capitalisé sur la scène déjà populaire de la messagerie mobile en Chine, en offrant une plateforme familière avec des fonctionnalités supplémentaires telles que les paiements mobiles. Gojek a reconnu la dépendance à l’égard des motos-taxis en Indonésie et s’est constitué une base d’utilisateurs en offrant un moyen pratique et fiable de commander une course. De même, Grab a émergé en Asie du Sud-Est en s’attaquant aux inefficacités des services de covoiturage.
Ce succès initial en tant qu’application de référence pour résoudre les problèmes des clients a suscité une grande confiance et une grande fidélité des utilisateurs. Les gens étaient déjà à l’aise avec la plateforme, ce qui les a rendus plus réceptifs lorsque ces applications ont commencé à intégrer des fonctionnalités supplémentaires. L’ajout de services tels que la livraison de repas, le paiement de factures ou la réservation de voyages est devenu une extension naturelle au sein d’un écosystème de confiance. Les utilisateurs ont bénéficié de la commodité d’avoir tout ce dont ils avaient besoin dans une seule application, ce qui a renforcé la position dominante de l’application dans leur vie quotidienne.
Cependant, X ne répond pas aux mêmes besoins aux États-Unis. De nombreuses plateformes déjà établies répondent déjà à des besoins spécifiques. Les personnes utilisent WhatsApp pour envoyer des messages aux amis et à la famille, les applis comme DoorDash pour commander des repas, Booking.com pour réserver des voyages, et Uber pour le covoiturage ou les courses de taxi. X ne répond pas nécessairement à un besoin spécifique de l’utilisateur, ce qui donne à sa tentative de devenir une super appli l’impression d’être une réflexion après coup.
2. Adoption lente des portefeuilles électroniques
La domination des super applications asiatiques peut également être largement attribuée à la forte culture « mobile-first » (mobile d’abord) de la région. Les États-Unis et d’autres pays occidentaux n’ont pas adopté aussi facilement les paiements par portefeuille mobile. Ils préfèrent les méthodes traditionnelles de paiement en ligne, comme les cartes de crédit et de débit, aux portefeuilles électroniques. Cela représente un obstacle supplémentaire pour le parcours de X.
Kendra Schaefer, analyste chez Trivium China, explique que Tencent Holdings, propriétaire de WeChat, a connu un scénario différent au début de son succès. À l’époque, des millions de Chinois n’avaient pas de compte en banque et les cartes bancaires n’étaient pas courantes. En revanche, les téléphones portables étaient largement utilisés et sont rapidement devenus les portefeuilles des gens. En revanche, la situation aux États-Unis est différente puisque les cartes de crédit sont acceptées presque partout, ce qui amène des analystes comme M. Schaefer à se demander pourquoi quelqu’un choisirait d’utiliser X pour ses transactions au lieu de ce qui est déjà disponible.
Une enquête menée par le cabinet de conseil Deloitte indique que les inquiétudes concernant la sécurité des données et la méconnaissance des avantages de la technologie sont les principaux obstacles à l’adoption des paiements mobiles par les Américains. Même si davantage d’Américains adoptent les portefeuilles électroniques, X devra rivaliser avec les géants du paiement tels que PayPal, Apple Pay et Google Pay, qui dominent actuellement le marché.
3. Obstacles règlementaires
Les obstacles réglementaires aux États-Unis constituent un défi de taille pour les ambitions de X en matière de super applications. Par rapport à certains pays asiatiques, les États-Unis ont des réglementations plus strictes en matière de confidentialité des données et d’antitrust. Par exemple, X serait confrontée à un examen minutieux de la grande quantité de données utilisateur qu’une super application recueille généralement.
Comme l’a montré la récente répression du projet de cryptomonnaie Diem de Meta, les régulateurs pourraient se méfier d’une plateforme unique qui contrôlerait les interactions sociales et les transactions financières au sein de son écosystème. Les autorités antitrust américaines, comme la FTC (Federal Trade Commission), sont de plus en plus vigilantes à l’égard des géants de la technologie qui étouffent la concurrence. La tentative de X de devenir une super application, englobant la finance, les médias sociaux et potentiellement le commerce électronique, pourrait faire froncer les sourcils de la FTC. Les régulateurs pourraient chercher à savoir si X tire parti de sa base d’utilisateurs existante et de sa position dominante sur les médias sociaux pour désavantager injustement ses concurrents dans ces autres secteurs.
Ces préoccupations concernant la confidentialité des données et les pratiques anticoncurrentielles potentielles pourraient limiter considérablement la capacité de X à intégrer les diverses fonctionnalités nécessaires à la réussite d’une super application sur le marché américain.
Au début du mois d’avril 2024, dans un geste qui a exacerbé les tensions autour de la liberté d’expression, une commission du Congrès américain a divulgué des décisions judiciaires brésiliennes secrètes exigeant la suspension de comptes sur X. Cette divulgation intervient après que Musk a contesté une décision judiciaire brésilienne similaire, suscitant des accusations de censure de la part de Musk et de l’entreprise.
Verdict : Quelle est la distance qui sépare X du statut de super application ?
Très loin. Le marché américain est déjà rempli de géants comme WhatsApp, PayPal, Apple Pay, Uber et DoorDash, et les problèmes juridiques liés à la protection de la vie privée et à la concurrence constituent des obstacles importants. Cependant, malgré ces obstacles, supposer que X suivra le chemin des super applications asiatiques comme WeChat pourrait sous-estimer son potentiel. Sous la houlette de Musk, X évolue de manière imprévisible, ce qui laisse penser qu’elle pourrait ne pas se contenter d’imiter les super applications existantes, mais qu’elle pourrait se tailler un nouveau créneau qui trouverait un écho auprès des utilisateurs occidentaux.
Les antécédents de Musk en matière de perturbation de l’industrie laissent penser que l’ambition de X pourrait conduire à des solutions innovantes qui redéfiniraient ce qu’une super application peut être en Occident. Même s’il est peu probable que X reproduise de sitôt le succès de WeChat ou de Grab en raison des différences de dynamique de marché et de réglementation aux États-Unis, il ne s’agit pas seulement d’imiter ces modèles. La question est de savoir si X peut apporter quelque chose de complètement nouveau, en redéfinissant notre conception d’une super application.
Notre pari ? Elle y parviendra.
Pensez-vous que X atteindra son rêve de devenir une super appli ? Faites-nous part de vos réactions dans les commentaires.
FAQ sur X en tant que super application
Qu’est-ce qu’une super application ?
Une super application est une application mobile ou web qui intègre divers services et fonctionnalités dans une seule plateforme. Ces services peuvent comprendre une messagerie, des paiements, du e-commerce et plus, permettant aux utilisateurs d’effectuer plusieurs tâches sans avoir à basculer entre différentes applis. Les super applis ont pour objectif d’offrir un écosystème complet qui rend les tâches numériques du quotidien pratiques et accessibles via une seule interface d’appli. Les supers applis sont surtout populaires en Asie, où les applis comme WeChat et Grab sont devenues partie intégrante de la vie quotidienne en offrant un large choix de services depuis une seule plateforme.
Quel est l’inconvénient d’une super appli ?
Les inconvénients d’une super appli sont nombreux, notamment les problèmes de confidentialité, la dépendance à l’égard d’une seule plateforme et le contrôle limité par l’utilisateur. La domination des super applis peut étouffer la concurrence dans certains secteurs. Les petites entreprises qui proposent des services de niche peuvent avoir besoin d’aide pour rivaliser avec les fonctionnalités exhaustives d’une super application.
La grande quantité de données que les super applis collectent en raison de leur nature intégrée peut susciter des inquiétudes. Les utilisateurs pourraient avoir besoin d’être mieux informés sur la manière dont leurs données sont utilisées, partagées et sécurisées. Les développeurs d’applications devront également être plus transparents sur le type de données qu’ils collectent. Les super applis peuvent limiter le contrôle de l’utilisateur sur la personnalisation et les préférences en matière de partage des données. Les utilisateurs pourraient se voir proposer des options limitées ou être contraints d’accepter des services groupés dont ils ne veulent pas nécessairement.
Quelles sont les super applis les plus populaires ?
Certaines des super applis les plus populaires dans le monde incluent WeChat, Grab, Gojek, Tata Neu et Rappi.
Voici un aperçu de ce que font ces applis populaires dans leurs régions respectives :
WeChat : WeChat était à l’origine une plateforme de messagerie mais a évolué pour englober de nombreuses fonctionnalités. Les utilisateurs peuvent discuter, partager des photos et des vidéos, effectuer des paiements mobiles, commander un service de transport, commander des repas, réserver des voyages, jouer à des jeux, et même accéder à des services gouvernementaux – tout cela dans WeChat.
Grab : Grab a commencé par révolutionner le covoiturage en Asie du Sud-Est. Depuis, elle s’est étendue pour inclure des services comme la livraison de repas, les paiements mobiles, les porte feuilles numériques, et même les services à la demande pour des choses telles que les courses et les services courrier.
Gojek : Similaire à Grab, Gojek s’est fait connaître en Indonésie à travers ses services de covoiturage. Elle offre désormais des services de livraison de repas, de paiements numériques, de services à la demande, et des options financières et de divertissement.
Tata Neu : Relativement nouvelles, Tata Neu est une super appli indienne qui vise à concurrencer les acteurs établis. Elle offre des fonctionnalités comme les achats en ligne, la livraison de courses, le paiement de factures, les réservations de voyage, et l’intégration de programme de fidélité dans diverses entreprises du groupe Tata.
Rappi : Acteur de premier plan en Amérique latine, Rappi a commencé avec des services de livraison de repas et de courses. Elle s’est étendue à diverses options de livraison incluant la livraison de médicaments et les emplettes. Rappi offre également des paiements mobiles et des services financiers comme les microcrédits et les portefeuilles numériques.
Quelle est la différence entre un super portefeuille et une super appli ?
Les super applis et les super portefeuilles, bien que toutes deux ayant pour objectif d’améliorer l’expérience utilisateur à travers la technologie mobile, répondent à des fonctionnalités différentes.
Une super appli intègre un vaste choix de services, permettant aux utilisateurs de faire des choses comme commander des repas, commander un service de transport, payer des factures et faire des achats en ligne. La force principale des super applis est la manière par laquelle ces services fonctionnent ensemble. Les fonctionnalités se connectent et se complètent, créant une expérience utilisateur fluide. La plupart des super applis s’adressent à des régions spécifiques et comprennent les besoins et les préférences sur ces marchés.
D’un autre côté, les super portefeuilles comme Apple Pay, Google Pay et PayPal se concentrent principalement sur les méthodes de paiement. Ils stockent en toute sécurité votre carte de crédit, votre carte de débit et d’autres informations de paiement, ce qui vous permet d’effectuer des transactions de manière pratique à partir de votre téléphone. Les super portefeuilles peuvent s’associer à des détaillants, à des applis de livraison de repas, ou à des services de covoiturage pour faciliter les paiements au sein de leur plateforme.
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